- SÉRIE NOIRE
- SÉRIE NOIRESÉRIE NOIRECélèbre collection policière lancée en 1945 par la maison d’édition Gallimard et créée par Marcel Duhamel. Sous ce nom générique (dû à Jacques Prévert) ont été publiés plus de deux mille titres, qu’on peut rattacher au thriller, mais qui se répartissent selon un éventail très vaste: de la bouffonnerie (Fantasia chez les ploucs , de Charles Williams) à la noirceur la plus absolue (1 275 Âmes , de Jim Thompson), en passant par le picaresque (les romans harlémites de Chester Himes, comme La Reine des pommes ), la chronique réaliste (Le Sonneur , d’Ed Mac Bain) et même le fantastique (Miss Shumway jette un sort , de James Hadley Chase); par la suite, la collection s’est également ouverte aux romans d’espionnage et au western.La Série noire se veut en effet le reflet fidèle d’un genre en évolution constante; c’est la raison de ce qu’on a pris parfois, au fil des parutions, pour une baisse de qualité. On peut même dire que ses auteurs les plus caractéristiques sont, non pas Hammett et Chandler, mais bien plutôt Chase et Carter Brown, tant ils incarnent exemplairement les deux grandes tentations du thriller, la surenchère sur la violence (Chase), la destruction par l’humour (Brown). D’ailleurs ce sont aussi, fait révélateur, les deux auteurs les plus publiés (plus de cent titres pour le second). À leurs côtés, il ne faut pas oublier les noms de Horace McCoy ou de David Goodis.Profitant de la vogue «américaine» qui marqua l’après-guerre, la Série noire a contribué à faire connaître en France les meilleurs auteurs anglo-saxons, sans jamais renoncer à un certain souci de qualité — d’où parfois certains échecs, comme celui de la Série blême (1949-1951), plus axée sur l’atmosphère, l’épouvante, et qu’il fallut interrompre, bien qu’y aient été publiés David Goodis, William Irish, et ce chef-d’œuvre du Grand-Guignol qu’est Le Cerveau du nabab de Curt Siodmak. Inversement, il est arrivé à Marcel Duhamel de renoncer à publier des textes jugés trop faibles, bien que commercialement rentables: c’est le cas du cycle des James Bond, dont n’ont été édités en Série noire que deux titres mineurs, Chauds les glaçons et Entourloupe dans l’azimut .La collection a suscité l’apparition d’écrivains français, comme José Giovanni, Albert Simonin, Auguste Le Breton et surtout Antoine Dominique (pseudonyme de Dominique Ponchardier), à qui l’on doit la célèbre série des «Gorille». Le dernier excepté, il s’agit d’auteurs souvent doués, pourvus de réelles qualités d’écriture, mais qui se limitent presque toujours à donner une vision profondément mystifiée du monde des truands; en cela ces écrivains sont les créateurs d’une abondante mythologie du «milieu», qui a fait fortune. Par la suite, des auteurs tels qu’A.D.G., Jean Patrick Manchette, Pierre Siniac ont toutefois su trouver un ton différent, où les préoccupations sociales et politiques sont clairement marquées (Nada , de J.-P. Manchette, par exemple). Marcel Duhamel a publié également Jerome Charyn et Jean Vautrin. À sa mort, en 1977, son bras droit, Robert Soulat, prend la direction de la collection, dans une conjoncture difficile. Des auteurs nouveaux apparaissent néanmoins: Daniel Pennac, Didier Daeninckx, Jean-Bernard Pouy, Thierry Jonquet. L’arrivée de Patrick Raynal à la tête de la Série noire, en 1992, se marque par une présence croissante de jeunes écrivains de langue française (Alix de Saint-André, Pascale Fonteneau, Daniel Picouly, Jean-Claude Izzo) ainsi que par le désir de faire une place plus grande aux écrivains non américains.
Encyclopédie Universelle. 2012.